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 Témopignage de M. KUC MIchal, HQ de la 3ème Brig. Infant.

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Ze-Pole

Ze-Pole


Nombre de messages : 2446
Date d'inscription : 10/04/2007

Témopignage de M. KUC MIchal, HQ de la 3ème Brig. Infant. Empty
MessageSujet: Témopignage de M. KUC MIchal, HQ de la 3ème Brig. Infant.   Témopignage de M. KUC MIchal, HQ de la 3ème Brig. Infant. EmptyMer 20 Juin - 23:00

Je me permets de proposer le témoignage de M. Michal Kuc, un homme exceptionnel que j'ai bien connu et qui m'avait confié son témoignage. Une petite partie de son témoignage concernant son passage à côté de la maison de sa famille restée en Normandie est publié dans le livre intitulé « L 'Epopée de la 1ère DB polonaise ». Je sais que les membres Heia Safari et surtout Podhale de ce forum le connaissaient aussi, avaient eu la chance de le rencontrer, et prendront plaisir à lire ce petit texte.
M. KUC nous a quittés il y a peu.
Ze-Pole


Né en Pologne à Niwka, je suis arrivé en France en 1924 avec mes parents venus travailler sous contrat. Mon père était mineur à Saint Clair de Halouze. malheureusement, peu de temps après, il s'est blessé grièvement, ce qui fait que je ne l'ai pas connu beaucoup.
Là, j'ai commencé le travail de mineur à Saint Rémy sur Orne à 15 ans passés. Au début j'étais mousse, sur le fours. près quoi, je suis descendu au fond, comme chargeur au départ des wagonnets. Et puis la guerre est arrivée. Mes activités se sont arrêtées là, j'avais 18 ans.
En tant que ressortissant polonais, j'ai été mobilisé par mon gouvernement en exil, et intégré dans l'armée polonaise en France,. C'était le 12 juin 1940. Je ne suis retrouvé à Coëtquidan. Je n'y suis resté qu'une semaine, les Allemands approchaient et il a fallu évacuer. Avec deux camarades,j 'ai fait une ligue marche jusqu'à Saint Nazaire, où trois destroyers anglais attendaient les troupes françaises. Le 21, j'embarquais dans l'après-midi pour l'Angleterre. J'y arrivais le 22 au matin. Le Polonais mobilisés ou volontaires ont constitué alors plus tard la première division blindée polonaise.
Je suis resté quatre ans sur l'île, en majeure partie en Ecosse, avec pour mission la garde de la côte, de Dundee à Montrose. Après l'histoire de Dunkerque, le corps expéditionnaire anglais manquait et on suppléait par nos effectifs.
J'ai alors appris le métier de soldat, et aussi appris à conduire (passage de mon permis en 19412). Par la suite,j'ai abord&é aussi les engins à chenilles, pour terminer pilot de char. En Ecosse, la vie se passait bien. Les relations anglo-polonaises étaient bonnes. On n'étaient pas trip rationnés... L'hiver sous la tente, l'hiver dans des baraquements, en forme de e tonneaux. On s'entraînait : man,tutoiement des armes, apprentissage de la mécanique, exercices de tirs. J'ai piloté pas mal d'espèces de chars : Coventer, Valentine, Cruisader, puis Sherman et surtout Cromwell, le meilleur char. J'ai également conduit des Bren-Carriers, des Half-Tracks et pour terminer, en Allemagne, un jeep !
Ca progressait sas cesse techniquement pour arriver à contrer les Allemands qui avaient des chars très puissants. Leurs canons de 88 mm pouvaient nous transpercer à deux kilomètres. Nous, il fallait qu'on s'approche à 500 mètres pour les détruire, et souvent, on s'y prenait à plusieurs pour détourne leur attention. Leurs blindage&ages étaient costauds. Le Allemands s'étaient très forts e se domaine. Et pourtant, le premier sherman que 'j'ai eu, c'était un engin de30 tonnes, 30 cylindres (5 moteurs 6 cylindres couplés), 350 litres environ d'essence pour le plein du lendemain. C'était finalement assez fiable, pas besoin de révision chaque soir. On n'a pas eu trop de pépins techniques. Pour former un pilote, responsable de "son" char, il fallait plusieurs mois. L'atmosphère dans un char est un peu spécial ! Quand dl e canon est à l'avant,le pilote peu encore soulever la trappe et sortir, mais s'il est tourné sur le côté, on est bloqué ! Ca fait une impression assez pénible... comme une sardine dans sa boîte.
J'ai e de la chance de ne pas être affecté à une unité de première ligne, mais dans une compagnie de commandement, pour conduire le colonel Dec, commandant de a3ème Brigade d'Infanterie. certes, la 3èm Brigade n'avait pas d e char, mais le colonel Dec utilisait un des deux chars à sa disposition lorsqu'il devait se déplacer.
Quelques se:aine avant le débarquement, on a commencé les préparatifs et subi toute une série de piqûres. Ce n'était pas un secret, entre nous on en parlait et on se rendait bien compte que le moment approchait. D'Ecosse on est passés en Angleterre. Par petites étapes sur la routes, en colonnes, on a gagné Londres (fin juillet) et embarquement sur la Tamise.
Nous avons débarqué en France sur une plage entre Arromanches et Ver-sur-Mer. C'était le 30 ou 31 juillet 1944. Le transport s'est fait sur un Liberty Ship, à fond de cale... Une grue nous a pris gentiment et nous a déposé sur une barge de débarquement pour atteindre la plage. On était déjà aux commandes dans le bateau, prêts à sortir. La colonne s'est formée pour atteindre notre lieu de rassemblement, à Ryes, près de Bayeux. Quelque jours plus tard, on a traversé Caen en ruines. Les bulldozers déblayaient et la bataille a commencé pour nous le 8 août. Mon baptême du feu, pour moi, eut lieu à Cormelles le Royal.
Peu de temps après, on a essuyé un bombardement par les Américains. Les bombes venaient de très haut, alors on s'éparpillait comme on pouvait, on se cachait dans les trous au sol. Par chance, mon groupe n'a rien eu. On avait déjà eu un avant-goût des explosions en Angleterre avec les bombes volantes ; pendant la traversée de la Manche, j'en ai vu passer au dessus de la mer. Les V1 faisaient un potin infernal, comme 40 ou 50 motos en plein gaz, en pleine pétarade... un bruit ! Et dès que le moteur se coupait, il fallait faire attention : c'était la chute en piqué.
Je n'étais pas tous les jours en action, en première ligne, non. Sauf quand le colonel Dec avait besoin de repérage. Autrement, on suivait les troupes qui avançaient, quelque fois tout près, parfois plus en arrière. En gros, nous longions la route à gauche de la route de Falaise. Puis on s'est écarté vers Saint Pierre sur Dives, Jort (pour la traversée de la rivière Dives) après la libération des villages de la plaine (St Sylvain , Fontaine le Pin, Potigny). A droite, c'étaient les Canadiens, avec qui on s'entendait bien. La route délimitait clairement les zones. Il pouvait être dangereux d'empiéter le uns sur les autres, car on pouvait se faire tirer dessus malencontreusement. Malgré tout, il est arrivé qu'on fasse quelques incursions.
La résistance des Panzer allemands étaient très dures. Ils s'accrochaient et connaissaient les combats depuis longtemps. Pas de cadeaux des deux côtés. Un jour, parti de bon matin avec deux chars et quelques véhicules, on arrive par une route dans un champ enclos d'une haie d'épines à mi-hauteur, près d'une grande maison. On se camoufle plus ou moins sous une quinzaine de pommiers quand débarquent derrière le bâtiment trois auto-chenillés allemands qui se mettent à nous tirer dessus, toutes mitrailleuses en action. J'étais à quarante mètres environ, assis sur mon char, après avoir déjeuné, tout heureux ! Le matin était pourtant bien joli, bien calme. Mais maintenant, ça crépitait dans les pommiers. Les feuilles m'en tombaient dessus ! Le temps qu'on réalise, c'était fini. Coup de chance, on n'a pas eu de tués. Les blindés allemands ont continué par la route. Je voulais tourner mon char mais on a reçu l'ordre de laisser filer ; il y avait des canons plus loin, paraît-il, qui nous attendaient... Je peux vous dire que ce genre d'expérience surprend !
Vous savez, la mort, on la frôlait tous les jours. Ce n'est pas le même état d'esprit que d'en parler comme ça, assis dans un fauteuil. Moi, j'étais assez fataliste, alors quand on réfléchit quelques heures après, ou le lendemain, on se dit : "Coup de bol ! On a eu chaud... ça ne devait pas être le jour !". Bien sûr, je ne voulais pas mourir, mais où était le choix ? La Mort pouvait m'attraper à tous moments, c'était comme ça. Ce que je craignais le plus, c'était de me faire estropier : revenir aveugle ou le jambes coupées.
J'étais dans une situation particulière, moi Polonais me battant en Normandie, contre des panzer SS. La Pologne ayant été martyrisée, on avait un certain esprit de vengeance, envers les Allemands. On avait avec nous des anciens venus de Pologne ou des officiers qui nous racontaient les exactions des Nazis. Certains d'entre eux avaient perdu leur famille, leurs enfants. En Angleterre, on était déjà au courant de tout ça, du soulèvement de Varsovie, le jour même où on débarquait ! Mais on savait aussi faire la différence avec des vieux soldats de la Wehrmacht, ou des militaires non fanatisés, qui aspiraient à la paix.
Ma première rencontre avec des Allemands... Quand j'ai débarqué avec mon char, je suis resté en attente ; il y en avait un autre en fonction et je ne suis pas parti pour le front aussitôt. Quelques jours plus tard, le premier char a été accidenté et le chauffeur, traumatisé, n'arrivait plus à conduire. On m'a alors appelé pour le remplacer. Je suis parti sur un véhicule semi-chenillé et deux ou trois soldats pour retrouver l'endroit où le char nous attendait. On suivait un route légèrement montante et en léger contre-bas par rapport au niveau de la plaine. C'était presque la nuit tombée et on a décidé de descendre pour aller voir une ferme. Mais on entend alors hurler des ordres allemands ! Des mitrailleuses se mettent à crépiter. Des Allemands nous avaient entendu arriver, cachés dans un petit bois tout proche. On a réussi à s'en sortir, tout en entendant les ordres en allemands, sûrement pas des choses aimables certainement pour nous...
Le premier mort que j'ai vu, c'était un anglais ou un canadien, à Cormelles. II était allongé dans un cratère de bombe, en position comme s'il allait en sortir... Ca m'a impressionné. Après j'en ai vu des quantités dans les champs de blé. Avec la chaleur de l'été, les cadavres dégageaient une odeur infecte.
Notre unité a subi pas mal de pertes, il a fallu apprendre vite le métier. Nos premières attaques s'élançaient directement, comme des charges de cavalerie, sans précautions. Mais "les Autres" attendaient dans la plaine, nous y attendaient et ils ont descendu une vingtaine de shermans rien qu'à la première attaque... ce qui nous a aidé, c'est qu'on pouvait remplacer nos chars détruits pas les Allemands. Le ravitaillement était aussi plus compliqué pour eux.
A force d'avancer, notre unité s'est retrouvée près de Chambois, le 21 août au soir, sur le Montormel. Les Américains avaient réalisé leur jonction avec les Polonais dans Chambois.
Un fois la bataille terminée, on nous a regroupés en bas de la colline. N'étant pas si loin de St Rémi, j'ai demandé une permission pour aller voir ma famille. (ma mère, mes frères et mas soeur, pas vus depuis 1940 !). Permission accordée ! On m'a même prêté une voiture. Alors avec des copains dans la même situation, on est passés par Thury-Harcourt (Rue de Falaise,carrefour de la kommandantur). Mais arrivé à St Rémy, j'apprends que ma famille a été évacuée vers Libourne. Je n'ai revu personne. J'avais apporté du ravitaillement donné par les roulantes polonaises : café, beurre, pâtes, margarine (avec des étiquettes en anglais mais pas besoin de traduire !)., sans compter quelques kilos de tabac pris aux Allemands.. J'ai laissé le tout à des voisins polonais et suis retourné vers mon unité le jour même. Le combat n'était pas terminé. Les combats allaient durer encore bien longtemps !
KUC Michal. Compagnie d'Etat-Major de la 3ème Brigade d'Infanterie.
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Témopignage de M. KUC MIchal, HQ de la 3ème Brig. Infant.
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