Une machine à coudre bien encombrante.

Il y a quelques années lors d’une de mes visites chez un vétéran de la 1DB à Amiens, le Caporal Losowski du 1er Peloton de la 10° Compagnie de Sapeurs, me donne une machine à coudre. Lorsque celui-ci me montre ses souvenirs, médailles, uniforme, il me parle d’une machine à coudre et me demande si cela m’intéresserait de l’obtenir pour ma collection, j’approuve en me demandant après coup ce que je pourrais bien en faire et comment présenter cet objet dans les expositions de l’association ?

Voici son récit sur cet objet de collection atypique :

« Je me souviens qu’un soir du mois d’août 1944, dans une petite pâture de Normandie, trois soldats (de mon peloton) ont voulu charger une machine à coudre presque neuve dans le camion dont j’étais responsable. Quand je refusais de la prendre, le camion était déjà chargé par du matériel militaire, ils me dirent qu’ils l’avaient trouvé dans un convoi allemand « tabor » en polonais.
Cette machine à coudre arriva jusqu’en Allemagne, servant à faire des retouches à nos uniformes. Par la suite, quand je suis allé en permission, je l’ai ramené en France. Je suppose qu’il s’agissait de la machine à coudre dont parle l’officier.»

Voici la version de l’officier des Sapeurs dans ses mémoires « Z saperami generala maczka » par Mieczyslaw Borcholski :

« C’est ma deuxième perception de la nature, plutôt psychologique. Voilà, pendant l’action guerrière après le délaissement des régions, des villages, des maisons par l’occupant, il s’est produit certains phénomènes.
Un soldat qui était en première ligne trouva une maison ouverte, avec tous ses biens. S’il y avait eu un habitant, il aurait été effrayé.
Là, il se produisit une insolite atmosphère, le soldat se sentit maître de la situation pendant un court instant, loin de l’autorité de ses chefs et des ordres, sans témoin, avec l’arme à la main, il était hors la loi. Ce sont des moments ou des heures quand la force peut décider avant la loi.
On pouvait alors prendre ce que l’on voulait et faire ce qui plaisait.
La moralité était mise à l’épreuve. Mais il était difficile de résister à ces tentations. Pourquoi se le cacher ici, de nombreux soldats, selon leur culture ou éthique individuelle ont tiré profit de semblables occasions. Dans mon peloton, aussi, quelque chose de semblable s’est produit.
J’avais une ordonnance, Stasias (Stanislas) T., je me souciais de tout le monde dans mon peloton et lui de moi, pour que j’ai où dormir et de quoi me nourrir.
Voilà qu’une fois, nous nous sommes trouvés à côté d’un petit village français partiellement détruit et totalement abandonné. Stasia était un bon soldat honnête et un peu tailleur.
Son rêve était d’avoir sa propre machine à coudre. Dans ce village quelque part, il en a trouvé une et était heureux de la ramener au peloton, après quoi il s’est vanté auprès de moi, qu’enfin il avait sa machine. Il avait beaucoup de peine que je ne partage pas son enthousiasme et que sur le champ je lui ordonnais de la rapporter à sa place.
Sur le moment il ne comprit pas bien pourquoi ? Du fait que personne ne le surveillait, que tout se trouvait sans propriétaire, on pouvait se servir.
Comme ce n’était pas un incident isolé, j’avais le devoir de parler à tous mes hommes. Je me suis efforcé de leur faire prendre conscience que le plus grand butin de guerre était de sauver sa vie.



Pour information, cet officier à été blessé à Moteur dans le nuit du 03/09/1944 en cherchant à traverser le canal de la Somme pour la libération d’Abbeville. Le Caporal Losowski bien encombré et gêné de garder cette machine l’a finalement convoyé durant toute la guerre et me l’a remise.
C’est en consultant un jour mes archives, dans le livre souvenir du 10° Régiment de Dragons que je tombais sur une photo qui authentifiait définitivement cette histoire non pas incroyable du temps de guerre mais vécue et tellement humaine.

Merci pour cette petite annecdote.
Il serait interessant de voir la photo, pourrais tu nous la scanner ?
Et donc, cette machine a coudre aurait " vécut " les combats de la Poche de Chambois ?

Tristan

Oui belle anecdote...merci pour le partage Poland...

Cette machine "Singer" est très classique et a du être prise en fin de bataille ? en tous cas en Normandie comme le précise le texte, j'ai une photo actuelle et une prise à l'époque en Normandie mais je n'arrive pas à les poster dans mon message, si vous pouvez m'indiquer comment faire, je participe à d'autres forums et ça m'aiderait bien.

Comment mettre une photo ? Tout est expliqué ici :

Insèrer une image sur un forum

Etant donné le nombre d'habitations abandonnées par leurs propriétaires par les Ornais lors de la bataille de Chambois, il n'a rien d'étonnant à ce que certains soldats se soient servis .

Tristan

Poland 1944 a écrit:

je n'arrive pas à les poster dans mon message, si vous pouvez m'indiquer comment faire, je participe à d'autres forums et ça m'aiderait bien.

Je t'ai envoyé un MP pour savoir comment faire...

Merci, depuis le temps que je voulais poster des images, il y a toujours un ... pour poser la question sur un forum ! Merci encore.

J'ai fais la même chose que toi au début..... ...heureusement que Titi était là....

Alors évidemment, la machine n'a pas traversé les années jusqu'ici sans perdre quelques pièces, son capot et son support, mais ce que je trouve intéressant c'est de voir la machine prise en photo en 08/1944 et la voir maintenant, c'est une pièce historique même si ce n'est pas une pièce intéressante en soi, des machines comme celle-ci il en existe des centaines.

Tu n'as pas chercher à connaître le village où a été prise cette machine ?

Tristan

Non, c'est vrai mais après 50 ans le Caporal ne s'en rappelait plus (?) et depuis il est décédé, quant à l'officier vu comment il aborde le sujet il ne tenait pas à en dire plus, je pense pour ma part que cela à eu lieu juste après les combats de Chambois, les soldats avaient plus le temps de se servir de la machine à coudre alors qu'ils utilisaient plutôt celle à faire des trous (de cal.303) juste avant !

Superbe histoire humaine, bravo pour les recherches !

Une histoire tres interessante et loin d etre décousue !

Les photos sont impressionnantes, merci !

Très sympa ton article, nul doute que tu vas nous en gratifié d'autres !
Petit complément : il semblerait que dans certains régiments, les soldats qui souhaiaient faire apporter des modifications sur leur battldress devait "payer" le tailleur ; il s'agissait le plus souvent de troc. Au 10ème Chasseurs par exemple, pour faire coudre des pattes de col sur le blouson , le soldat devait remettre en échange deux paquets de cigarettes au couturier... deux paquets de cigarettes pour avoir un batlledress polonais, ça laisse réveur...
Ze-Pole

Entièrement inédit à la publication car le sujet est sensible, je vais rechercher dans mes archives et faire aussi des traductions tirées du livre de K. Jamar et du médic qui était à Boisjos, ce genre d'écrits.

Bonjour à tous.

Alors que je suis un de vos fidèle lecteur je viens de tomber sur le post de « la machine à coudre inconnu » qui me rappelle une histoire entendue par mes parents dont voici le récit :

Un jour un détachement Allemand, 4 à 5 hommes déboula dans la boutique de mon Grand-père qui tenait alors une xxxx sur la commune de xxxxxx non loin de Falaise. Une fouille de l’habitation s’en suivra pour une raison qui m’est encore inconnu. C’est alors qu’un allemand décida d’emmener la machine à coudre de la famille.
Mon Grand-père s’interposa mais sous l’insistance du militaire qui brandit son arme et qui engagea une cartouche dans le canon il renonça à préserver son bien.
L’intervention d’un officier ou sous officier permis de calmer la situation et la machine à coudre resta finalement sur place sous le regard incrédule de mon Grand père et des allemands.
Ils quittèrent alors les lieux semble t-il très énervés.

Cette commune qui vivait sous l’occupation allemandes depuis plusieurs mois subit des dégâts lors de ça libération entre le 16 et 19 Août 44. Les libérateurs ont été les polonais de la 1ere DB et les Canadiens.

Voici la suite de l’histoire de la machine à coudre de mes Grands parents :

Pendant la bataille qui fit rage et comme dans beaucoup de commune les habitants délaissèrent leurs habitations pour se réfugier dans des abris de fortune dans la campagne plus paisible. Ce qui fut le cas de mon Grand-père et de ses enfants.

A leur retour le 19 ou 20 Août 44, et la ça devient intéressant, la fameuse machine à coudre avait disparu. Tout laisse à penser encore aujourd’hui que les Allemands avant d’entamer leur débâcle était revenu et profitant de l’absence de la population avaient emporté la machine à coudre tant convoitée avant de se replier dans ce qui deviendra le « couloir de la mort».

Bien sur la machine n’a jamais été retrouvée.

Bien des similitudes rapproche ces deux histoires de machine à coudre s’agissant d’autant plus de Singer dans les deux cas mais rien ne peut affirmer qu’elles soient liées.

En effet, tout d’abord, Singer représentait 90% des machines à coudre de l’époque, ensuite il semble que ce type des vols était courant de part et d’autre. Par contre la commune subira des dégâts que l’on peut qualifier de léger mais tout est relatif avec le recul.

Afin de préserver des indices qui pourraient être irréfutables je garde le secret sur le type de commerce et sur la commune en question car je ne souhaite pas de conclusion trop hâtive.
Pour moi l’hypothèse allemande reste la bonne malgrés la présence de polonais de la 1er DB, il serait étonnant que fortuitement on puisse lier les deux affaires.

Vous pouvez par contre m’indiquer avec précisions le cheminement précis date par date du 1er Peloton de la 10° Compagnie de Sapeurs entre le 16 et 20 Août 44 pour voir si il y a des correspondances car je ne pas un spécialiste.

Si on m'avait dit un jour que la couture me passionnerait à ce point !

Merci pour ton témoignage jc

Il va faloir faire appel à nos pointures de la Division Polonaise ...
Car là, ça nous donne du fil à retordre ... Merci pour ta participation Jc. Cependant, n'oublie pas de te présenter comme tout les nouveaux membres dans la section appropriée.

Tristan

Vraiment étonnant cette anecdote de machine à coudre...

Bon, le livre sur le Génie existe mais en polonais, alors pour le parcours cela va être dur, dans toutes recherches, on peut bloquer à chaque étape ...